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2009 : Raid Vercors
Raid nordique en ski & pulka
Traversée des hauts plateaux du Vercors
17 au 20 janvier 2009
Le Vercors, milieu naturel d’exception, portant une âme sur une terre sauvage. Une île montagneuse au delà de toute civilisation, on ne rencontre que les bergers l’été, et seulement des traces d’une faune distante l’hiver. N’oubliez pas votre boussole, quand le brouillard prend le Vercors, elle sera votre seul moyen de suivre le bon chemin.
Le Vercors est une étape d’entraînement à notre objectif. Nous voulions tester nos capacités physiques et mentales, notre matériel, la nourriture lyophilisée, et la gestion du bivouac hivernal.
Nous sommes partis 4 jours et 3 nuits en bivouac hivernal (sous tente) en total autonomie en traversant la réserve naturelle des hauts plateaux du Vercors (43km et 1800mètres de dénivelé). Nous avons utilisé des moyens légers et techniques : des skis de randonnée nordique, ce sont des skis de fond à écailles, plus large et légèrement parabolique, et des pulkas, traîneau traditionnel utilisé lors des expéditions polaires. Elles apportent plus de confort que le sac à dos et ont l’avantage de glisser sur la neige et permettent ainsi d’emporter plus de matériel.
Récit journalier de voyage
Nous n’avons pas tenté le diable pour une première, nous avons pris l’itinéraire de la GTV (Grande Traversée du Vercors), le GR91, parsemé de bergeries, et d’abris en cas de très grosses intempéries, ou autres problèmes particuliers. Mais nous n’avons pas eu besoin de s’y réfugier même malgré la mauvaise météo, nous avons jouer le jeu, et ce n’était pas les grands froids.
Jour 1 : Combeau – Jas Neuf (9km)
Réveil 07h00, dur dur après les derniers préparatifs la veille couchés à 00H00 ! Mais bien motivés, c’est le jour du départ tant attendu. Les pulkas font respectivement 26kg pour Sophie et 30kg pour Arnaud, ce n’est pas énorme étant donné que nous avons du matériel en commun.
Départ 08h30 de Crolles, le papouné de Sophie, toujours fidèle aux départs des aventures des tourtereaux, après la Transdromoise en parapente, c’est la Transvercors en ski & pulka ! Nous arrivons à 10h00 au parking de l’auberge de Combeau (au dessus de Châtillon en Diois), notre point de départ.
Le temps de se préparer, départ chaussés attelés 11h00.
Ce départ était très animé par une foule de gens : stage de recherche de victimes en avalanches, des randonneurs en ski alpin, en ski nordique, en ski de fond, en raquette, à la journée essentiellement, je croise même un collègue châtillonnais de l’ONF !
La Météo annoncée : ciel légèrement couvert avec quelques trouées éparses ; température : 4°C, on enlève très vite les vestes en GoreTex, pour continuer en petite pelure. On remercie d’ailleurs, Lippi (marque Chilienne www.lippioutdoor.com), notre sponsor de vêtements techniques qui ne nous aura pas suivi jusqu’à noter destination finale.
Objectif : ne pas transpirer. En effet le soir venu, les vêtements ne peuvent pas sécher, et la transpiration gèlerait. A chacun individuellement de modérer son allure en fonction de l’effort à fournir pour la limiter, chose franchement pas évidente, d’où l’importance de vêtement technique qui aide à l’évacuation tout en conservant la chaleur du corps. Nous faisons beaucoup de pauses photos, car nous savions que c’était le seul jour où on pouvait espérer un peu de soleil. Arnaud a confectionné un pied pour l’appareil photo, ainsi nous sommes souvent tous les deux en même temps sur les photos.
Pour ce qui est de l’itinéraire, nous avons traversé le vallon de Combeau, un des rares coins du Vercors que nous ne connaissions pas du tout. Puis après la bergerie, nous passons devant la cabane de l’Essaure pour rejoindre le col de Creuson.
Nous rencontrons d’ailleurs les premières difficultés, nous avons du déchausser pour aider l’autre à pousser sa pulka dans les raidillons.
Nous cassons un peu la croûte histoire de prendre des forces, et éviter la fatigue. Merci à ma chère maman pour le reste de poulet aux herbes, et la tarte aux noix en dessert. C’était riche, tout ce qu’il nous fallait.
Puis nous atteignons la plaine de Chamousset, magnifique et vaste plateau avec ses cairns qui dépassent par endroit. Nous passons devant la bergerie de Chamousset, et arrivons au superbe panorama sur le Grand Veymont et le Mont Aiguille.
Nous empruntons le Pas de la Chèvrerie. Nous attaquons alors ce passage notre première véritable descente qui ne nous posera finalement pas de problème malgré le fort dévers, la neige porte bien, et les brancards pallient mieux à cette difficulté que des cordes. Nous avions prévu d’installer le bivouac à Chaumailloux, mais finalement ce sera à proximité de la bergerie de Jas Neuf.
Nous arrivons à 16h30, il faut compter une demi heure pour creuser, enlever plusieurs mètres cube de neige, puis encore quelques minutes pour monter la tente. En temps de grand froid, Mike Horn disait qu’il faut être capable de le faire sans ôter les moufles en moins de 7 minutes. C’est bon on est dans les temps ! On fait fondre de la neige pour notre popote du soir devant un des rares couché de soleil que le Vercors nous offrira. On commence à manger vers 19h00, au menu : soupe de légumes en sachet, pâtes à la bolognaise lyophilisée, thé chaud au caramel, dessert de riz au lait. A 20h on est couché. La première nuit fut la plus froide –5°C dans la tente (il faut savoir qu’on gagne 3 à 5°C par rapport à l’extérieur), et pourtant ce n’était pas le grand froid qu’on attendait. Nous étions bien équipé, c’est essentiel pour apprécier le bivouac hivernal : couverture isolante recouvrant la bâche de tente, matelas mousse à cellules alvéolées 2cm, matelas autogonflant 2cm, duvet –20°C, vêtements chauds, veste en duvet, collants, chaussettes sèches, bonnet, cache col, cache yeux. Et puis les chaussettes et les gants du jour passaient la nuit dans le duvet au contact du corps pour les retrouver tout sec au lendemain matin. Les chaussures n’étaient jamais mouillées, elles n’étaient pas si froides à enfiler au petit matin, car nous avions bien pris le soin de mettre nos pieds dans des sacs plastiques stop condense.
Jour 2 : Jas Neuf – Pré Peyret (8km)
Réveil 9h ! Incroyable on se couche super tôt et on trouve le moyen de faire la grasse matinée ; on s’est fait piéger par les caches yeux qui nous privait du réveil naturel de la lumière du soleil. En même temps, quel soleil ? Au levé, il floconne, pas étonnant c’était annoncé. Oui on avait bien pris la météo, et on aurait pu se demander pourquoi avions nous maintenu l’expédition ? et bien tout simplement parce que c’était un entraînement, et même par conditions difficiles, il a une plus grande valeur. Psychologiquement on s’était préparé à partir même par mauvais temps, alors physiquement le corps suivait le mental, et ça se passait plutôt bien.
Pour revenir à la nuit, nous avons dormi, on ne peut pas dire qu’on a fait de beaux rêves, mais ce n’était pas si pire non plus. Arnaud dans ce que j’ai appelé « son sauna » qui était en fait un sac en plastique géant (sac poubelle racolé) pour éviter de transpirer dans son duvet, au risque qu’il gèle pour les nuits suivantes. Au levé, son duvet était bien sec, certes, en revanche, lui, était trempé et a quand même avoué que ce n’était pas top. Pour ma part, je n’ai pas souhaité cet inconfort, par contre je n’ai pas cessé de me retourner car mon autogonflant était totalement inefficace, j’étais à plat, un peu dur. Sinon, je ne me suis levée qu’une seule fois pour aller au pipi, vers 2h30, contrairement à 2 ou 3 fois habituellement à la maison ! Pour Arnaud, c’était beaucoup plus facile, il urinait, sans se lever, dans une bouteille de lait en plastique qu’il vidait au petit matin. C’est parfois injuste la féminité, je rencontre le même problème en parapente. En parapente, je mets des couches quand les conditions aérologiques s’annoncent fumantes et que de longues heures m’attendent, mais ca reste quand même pas terrible, même en position assise. Couchée dans une tente, ça fonctionne mal. Il faut que je trouve une autre solution pour le Spitzberg.
Au levé –7°C, mais une masse d’air très sèche, donc ça passe bien, disons presque bien ; les pieds se sont gelés d’un coup en sortant de la tente et ne se réchaufferont qu’une fois en marche.
Au petit déjeuner : muesli, cacao énergétique lyophilisé, petit biscuits énergétiques, des fruits secs, pour une fois les calories en masse sont les bienvenues, profitons en !
Mine de rien il faut bien compter 2 heures de logistique entre le réveil, et le départ. Le temps du petit déjeuner, de préparer le thé pour la journée, de désinstaller le bivouac, de ranger les affaires dans la pulka. La toilette dans tout ça, c’est loin d’être une priorité (nous avions pourtant prévu des lingettes nettoyantes à usage unique et brosse à dents, mais pour seulement 4 jours, nous les avons pour ainsi dire négligé !).
Nous partons, rejoindre la bergerie de Jas Neuf. C’est fou d’aussi grosses bâtisses perdues dans ce désert calcaire. Nous souhaitons ensuite couper pour atteindre le col de Pison : erreur, le brouillard monte, et nous perdons l’orientation; de vieilles traces de ski nordique avec pulka nous trahissent. Alors on sort le gps, qui nous donne nos coordonnées géographiques, que l’on reporte sur la carte ign muni de son quadrillage gps. Nous voyons précisément où nous sommes, et nous voyons surtout qu’on a fait un vrai gros détour ! Alors on rectifie notre route, et retrouvons le col de Pison.
Pré-Peyret est très vite atteint même malgré le brouillard et la grosse chute de neige, je reconnaissais assez bien.
Nous cassons une croûte vers 14h30, sous la pluie cette fois et abrité du fort vent du sud sous des Pins à crochet.
On ne traînera pas trop car on a quand même plus chaud en marchant.
On installera notre campement vers 16h un peu avant la bergerie de la grande Cabane dans la forêt à proximité du gr, sous la neige.
Au menu du soir : velouté de légumes, purée au poulet lyophilisée (très bonne), mousse au chocolat lyophilisée, thé.
Jour3 : Pré-Peyret – Jasse du Play (10km)
Au petit matin, le vent souffle fort, pousse les nuages et nous offre quelques trouées de soleil.
Ca ne durera que deux heures avant le retour de la neige et du brouillard. Température : 0°C, autant dire qu’il fait relativement chaud. Nous étions venu pour s’entraîner au froid, sur ce plan c’était pas gagné ! Il est plus agréable et facile à gérer des affaires recouvertes de neige que de flotte, d’ailleurs, nous avons replié nos affaires trempées, donc plus lourdes.
Au petit déjeuner : muesli chocolat et muesli fruits, pain d’épices, un cacao énergétique. D’ailleurs au passage, s’il y avait bien une chose que nous n’avions pas anticipé du tout et qui nous a posé quelques difficultés, c’est le dosage. Et oui sur les sachets lyophilisés est indiqué la quantité d’eau à ajouter, nous n’avons pas de verre doseur, et nous ne connaissions pas les volumes de nos récipients. Au final, on faisait au jugé, et on peut dire que trop d’eau ne rend vraiment pas votre repas appétissant. Certaines marques ont eu la bonne idée d’indiquer un trait à l’intérieur, d’autres non. Et question pratique pour ne pas renverser votre repas pendant l’hydratation, et aussi pour le recycler en poubelle, certaines marques ont ajouté des zips pour fermer. Autre chose dans le même style, les couverts : en plastique bien sur, mais de grande longueur c’est encore mieux. Car quand il faut mélanger et piocher tout au fond, on s’en met partout avec une cuillère classique, et ça quand on a pas expérimenté, on a du mal à anticiper.
Nous voilà parti direction la bergerie de la grande Cabane, où le Grand Veymont se décide à nous montrer le bout de son nez, on en profite pour faire des photos, c’est toujours mieux avec le soleil.
Puis nous traversons la plaine de la Chau, naviguons entre pré bois et forêt pour arriver à la prairie de la Jasse du Play. Mine de rien trouver son chemin est un vrai casse tête. Et vouloir absolument suivre le gr n’est pas chose évidente puisque le balisage est essentiellement sur des dalles calcaires ou des cairns, bien sur recouvert de neige ! Encore une fois, merci la boussole ! Nous visitons l’abri de la Jasse du Play par curiosité et rencontrons deux personnes en raquettes qui allaient y passer la nuit. Nous échangeons sur nos itinéraires, puis nous reprenons la route rapidement car, il était déjà 17h, le ciel était encore bien couvert et nous avions un bivouac à monter. Nous l’installerons à l’intersection du gr et du sentier central qui rejoint Saint Agnan en Vercors, à l’abri des arbres, il pluinait. On devient de plus en plus efficace et rapide à installer le bivouac, tant mieux.
Au menu : pâté sur crackers salés, soupe de légumes, curry de volailles aux pattes, gâteau moelleux au chocolat et à la vanille, compote de pommes, pâte de coins, thé (sauf pour Sophie sinon la nuit aurait été trop dur pour la vessie). Généralement vers 20h on dormait, autant dire qu’on faisait de plus longues nuits sous tente qu’à la maison.
Jour 4 : Jasse du Play – Corrençon (16km)
Longue étape, la plus longue et la plus difficile sur le plan technique. On se lève plus tôt que les autres jours 6h. Pourtant cela ne nous suffira pas…
Dans la nuit il avait bien neigé 60cm, ce qui nous ralentira profondément et davantage avec le redoux du jour.
Au petit déjeuner, pains d’épices, muesli, thé, fruits secs et on remballe les affaires. Avec toute cette neige qui avait en plus gelé sur la tente, c’était un vrai bonheur. Heureusement nous avions une balayette. On ne peut même pas imaginer à quel point elle est utile et indispensable.
On attaque à pieds, les skis fixés sur la pulka pour grimper le col de Cognaux, ça commence fort, on fait la trace et on s’enfonce jusqu’aux cuisses, on perds du temps, et ce sera comme ça toute la journée.
Il aura fait très beau au levé, puis le brouillard sera monté une heure plus tard jusqu’à 1700m. Il restera bien accroché toute la journée.
On rejoint Tiolache du milieu par déjà de belles descentes, ce ne sera pourtant qu’un échauffement pour le canyon des Erges…
On progresse mal, très mal, la neige colle sous les skis avec ou sans peaux la difficulté est la même. Les skis et les pulkas bottaient. Nous avions l’impression de traîner la montagne derrière nous.
Puis nous voilà enfin devant le Canyon des Erges, très connu pour sa topographie étroite et accidentée, avec quelques virages serrés peu évidents avec des pulkas. Mais bon on y va doucement. La pulka d’Arnaud se renverse fréquemment. On glisse très mal, même en poussant sur les bâtons, on fait de la raquette. On prend alors le temps d’admirer le paysage, ce canyon est vraiment magnifique.
A la sortie, 200 mètres de dénivelé plus bas, un peu cassé quand même, on fait une pause casse croûte pour reprendre des forces. Il est 14h, et on se rend bien compte que dans ces conditions de neige, nous n’arriverons pas à Corrençon avant la nuit. Pour dire, nous n’arriverons à Darbounouse qu’à 16h.
Réflexion faite, on prévient nos familles qu’il est probable que nous passerons encore une nuit sous tente. Mais les pulkas de location étaient réservées pour le lendemain. Puis, à la fin de notre tasse de thé, nous constatons que le froid tombe, la neige se met à geler, et la glisse revient (on commençait à oublier ce que c’était !). Le moral se relève, on se motive mutuellement, on enlève définitivement les peaux, on enlève aussi la veste, et on se la joue sport. On décide de rentrer à Corrençon le soir même, comme prévu. On traverse la forêt honorablement, on glissait vraiment bien, c’était le bonheur de pouvoir glisser en descente, ce qui nous a permis de rattraper, un peu, le retard. Nous assistons à un superbe couché du soleil arrivé à la Cabane de Carette, à proximité de Corrençon. Nous faisons une pause Fruits secs, thé, et c’est reparti avec les frontales cette fois.
Nous passons la borne du 45ème parallèle, et rejoignons rapidement les pistes de ski de fond. Nous arriverons à 18h30. Personnellement, un coup de blues, juste pas envie que ça se termine, juste trop tôt de retrouver la civilisation, juste pas envie de quitter le Vercors, finalement on l’aurait bien apprécié cette nuit supplémentaire sous tente.
Notre voiture nous attendait, on décolle de Corrençon à 19h pour arriver juste avant la fermeture au magasin de location.
Au bilan :
² Heureux de cette première expérience
² Satisfait de nos capacités physiques et mentales
² Matériel testé (en parti) satisfaisant
Un regret :
On aura pas eu les grands froids espérés comme il y a souvent dans le Vercors.
Merci à tout ceux qui nous ont soutenu, Lippi, Yann, Greg, nos familles.
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